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Recyclage

 

Billet, c’était pourtant sa vocation. Une belle carrière commencée comme simple billet à ordre avant de grimper un à un les échelons, passant du national à l’Europe. Une route bien tracée qu’il se voyait terminer en habit vert, aux States. Mais la crise avait brisé ses projets : il n’avait plus la cote, seules les cartes de crédit tiraient encore leur épingle du jeu dans cette époque tristement virtuelle. Ses nuits étaient cauchemardesques, il se voyait matricule anonyme, englouti dans une file interminable de chômeurs qui pointaient à Pôle emploi pour ne pas mourir tout à fait.

Il froissa le vieux journal où les cours de la Bourse étaient relégués en dernière page, après la météo. Il faisait froid dans le petit appartement depuis longtemps abandonné par son locataire expulsé. Même pas un reste de whisky pour se réchauffer l’âme. Il jeta un regard circulaire à la pièce, un chouette salon autrefois avec des copains qui fumaient des pétards, de la musique, des rires à longueur de nuits, des filles. Pour en arriver là, c’était sordide !

Affalé tristement sur sa misère, il ne l’entendit pas venir : une petite pièce, toute rondelette, un peu timide. Elle avait roulé sans bruit sur sa tranche et s’était mise à briller gentiment sous un rayon de soleil qui filtrait à travers le volet mal fermé.

 

- Heu ! T’es qui toi, une meuf rescapée, en délirance toi aussi ?

 

Elle ne répondit rien, se contentant de briller un peu plus pour arracher un sourire au vieux schnock grincheux.

Elle était plutôt gironde, ça lui aurait presque fait oublier ses délires, il en était tout chose.

 

- Toi aussi, ils t’ont abandonnée ?

- Eh oui ! C’est la vie… Moi c’est Marianne, et toi ?…

 

D’un coup, elle lui avait redonné la pêche, la mignonne. Et une idée : il allait se recycler, et pas plus tard que tout de suite, en billet doux, rien que pour elle.

 

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